Enfermés dehors
Une comédie de et avec
Albert Dupontel, sorti en avril 2006.
Un SDF trouve un uniforme de policier et s'en sert pour manger à l'oeil à la
cantine du commissariat, avant de se rendre compte de la magie de l'uniforme (savez,
celui qui fait rêver les jeunes filles ou ralentir les automobilistes)(c'est
selon).
Albert Dupontel a marqué le cinéma français et les consciences avec Bernie,
film improbable, dérangeant, tellement dopé à une coke naturelle qu'il en est
jouissif. Après huit ans d'absence derrière la caméra, depuis Le créateur
(peut-être plus fou que le précédent, quoique plus gratuit, moins pertinent), il nous
revient avec un film dans la mouvance de Bernie.
Fou furieux, hystérique, névropathe pourraient décrire l'ambiance, le rythme
du film. Décalé, tendre, attendrissant pourraient décrire le personnage de
Roland, le preux. Social, humain, humaniste pourraient décrire sa portée.
En effet, Dupontel fait du film qui parle, observateur de notre société, de
ses travers, de ses folies, de ses aberrations, de ses victimes, pour la transformer
en farce "cartoonesque", émouvante sans être larmoyante, incisive sans
être méchante, dénonciatrice sans être condamnatrice. Au point qu'on réfléchit,
entre deux pirouettes, entre deux réparties démentes.
Déments, oui, les dialogues le sont, surfant sur une vague absurde, sur
l'ironie, sur le sarcasme :
Ben ... au départ j'ai voulu le rendre, l'uniforme, mais c'est les gars
de la police qui voulaient pas. Alors, je l'ai mis juste pour manger UNE FOIS à
la cantine ! Mais quand je suis ressorti dans la rue ça m'a fait tout drôle,
tous ces pauvres gens, toute cette misère, le froid, la faim, la soif, pas de
colle ...!! PUTAIN, JE DOIS AIDER LES GENS ...!! surtout quand ils sont jolis,
comme elle, la fille de l'affiche ...
MAIS ENFIN QUEL BEBE ?!! Mais qu'est-ce qu'ils me veulent ? J'étais en
train de négocier avec ce vieux rat de président Bartel dans sa "morgue de
luxe" quand un type grotesque habillé en flic me tombe sur la tête depuis
le plafond des toilettes !!!
Il me réclame un bébé : Coquelicot ?!!
Je ne comprends rien ... ou plutôt si ... lui et sa bande, c'est des
revanchards, des amers, des déçus, DES RATES !! N'ayons pas peur des mots ! Et
c'est pas juste qu'ils s'en prennent à moi, car CE N'EST PAS PARCE QUE JE SUIS
RICHE QU'ILS SONT PAUVRES !!
C'est pas parce que j'ai fait 3 "galipettes" filmées, dans ma
jeunesse, que je suis une mauvaise maman. Depuis que mon mec est mort, mes
beaux-parents m'ont piqué Coquelicot, ma môme ... Et ça, le juge l'a dit, ils
n'ont pas le droit !! Le problème c'est que tout le monde s'en fout de mon
histoire et quand on s'y intéresse, c'est que des pauvres types ! Comme l'autre
dingue avec son uniforme de flic déchiré de partout et trois fois trop grand
... Bordel, je suis toute seule ... TOUT LE MONDE S'EN FOUT DE MON BEBE !!
Au service de ces truculents dialogues, ce sont des têtes, des figures,
Yolande Moreau des Deschiens, Gustave Kervern de la bande de Groland, Jackie
Berroyer, Serge Riaboukine. Et ceux qui ne disent rien sont aussi imposants,
Terry Gilliam et Terry Jones des Monthy Python, rien de moins.
Un conte de fées moderne donc, enthousiasmant et frais, qu'on oublie pas de
sitôt.